- 02 septembre 2020
- En Kevin Vercauteren
- | Source: Metallerie
Comment D’Haene tente d’affûter son avenir
Le polissage pourrait bien devenir un maillon plus important
Les experts en rectification sont une espèce en voie d’extinction. Une phrase qui résonne bien sûr comme une certaine menace mais cela donne d’autre part aussi lieu à moins de concurrence. Tel est l’attrait d’une niche: une fois que vous avez trouvé votre place, vous êtes tranquille un moment. C’est peut-être là que réside la clé du succès de l’entreprise de rectification D’Haene, même s’ils restent à l’affût d’opportunités afin d’assurer également l’avenir à plus long terme. Dans ce sens, une nouvelle grosse polisseuse pourrait être intéressante. Voyons un peu ce qu’en pense Erwin Deceuninck, qui assure la gestion quotidienne de l’entreprise.
Le polissage, alternative plus rapide
La rectification est un procédé assez lent et toujours bien plus manuel que par exemple le tournage et le fraisage. L’automatisation est difficile car le processus de rectification exige la présence d’un opérateur. Si les tensions deviennent trop importantes et que la pièce se met donc à onduler, ou si la meule commence à entrer dans la pièce, ce dernier doit pouvoir intervenir et rectifier le tir. Pour une grosse pièce, il faut des lunettes. Mais au fur et à mesure que de plus en plus de matière est enlevée, l’opérateur est obligé d’ajuster son réglage manuellement.
“Pour certaines applications hydrauliques devant avec une tolerance de quelques centiemes etre moins precises, le polissage constitue une alternative plus rapide et moins chere que la rectification”
Procédé à la fois lent et à fort coefficient de travail, la rectification est donc aussi assez coûteuse. Du moins comparée au polissage. “Pour certaines applications hydrauliques, comme de nouveaux pistons ou de nouvelles tiges, devant avec une tolérance de quelques centièmes être moins précises que par exemple un logement de palier, le polissage constitue une alternative plus rapide et moins chère que la rectification”, explique Erwin Deceuninck, soulignant ainsi un point délicat.
Chez D’Haene, on envisage dès lors de miser un peu plus sur cette dernière technique et peut-être même d’investir à terme dans une nouvelle polisseuse. Les machines actuelles doivent, en effet, être remplacées. Erwin Deceuninck en profiterait aussi pour étendre, comme dans la rectification, à des longueurs et diamètres plus grands, d’autant plus qu’il n’y a selon lui pas de véritables spécialistes sur ce plan en Belgique.
Puzzle s’emboitant
La firme D'Haene est connue avant tout comme l’une des rares entreprises de rectification en Belgique venant à bout des petites comme des grandes pièces. La liste d’entreprises disposant d’une rectifieuse cylindrique pour des pièces mesurant jusqu’à 6 m de longueur avec un diamètre maximal de 850 mm n’est vraiment pas longue.
Malgré cette spécialisation claire, l’entreprise est loin de se limiter à la seule rectification: D’Haene dispose de plusieurs bains pour le chromage dur, assure la révision de moteurs et la réparation de vérins hydrauliques.
Au total: une belle offre complémentaire avec le marché de la réparation en guise de facteur ‘lien’. Pour la révision de moteurs, il faut, en effet, parfois rectifier un vilebrequin; les tiges endommagées sont d’abord pré-rectifiées avant d’être dotées d’une couche résistante à l’usure dans les bains de chrome. Ensuite, la rectification apporte à nouveau la ‘finishing touch’. En d’autres termes: les activités sont étroitement liées.
Le rodage permet une finition lisse à l'intérieur de la pièce
Chromage dur
Sur le marché de la réparation, le chromage dur constitue une étape importante pour protéger une pièce de l’usure. La fine couche de chrome, pouvant varier – selon le temps passé dans le bain – de 1 à 1.000 micromètres, garantit une couche résistante à l’usure et à la rouille robuste d’une dureté pouvant atteindre 60 HRC Rockwell. La pièce conserve ici ses propriétés. Comme le liquide du bain est pompé constamment, le chrome se dépose très uniformément sur la surface de la pièce, pour une précision extrême. La composition du liquide reste inchangée et doit donc être contrôlée régulièrement.
D’Haene réalise uniquement le chromage dur et non le chromage décoratif. “Dans le cas du chromage décoratif, la couche de chrome n’est pas appliquée directement sur le matériau de base, mais sur une couche de nickel. Il s’agit d’un segment de marché complètement différent et à coefficient de travail particulièrement élevé, impliquant un autre type d’installations. Ce sont souvent de grosses lignes automatisées, et ce n’est pas pour nous. Nous nous profilons en tant que spécialiste du chromage dur pour les pièces mesurant jusqu’à 6 m. Cette taille est exceptionnelle”, explique Erwin Deceuninck. Cette division de l’entreprise fournit du travail à deux personnes.
Révision de vérins hydrauliques
Comme nous l’avons déjà dit, les activités chez D’Haene se fondent parfaitement l’une dans l’autre. Si une tige n’est pas trop endommagée, le chromage peut constituer la solution. Moyennant un pré- et un post-usinage, bien sûr. Mais si le vérin hydraulique est trop abîmé, on part d’une nouvelle tige de vérin, que D’Haene achète sur 6 m et dont l’entreprise a un stock important.
Selon l’application, un des deux opérateurs – car cette division en compte deux – soude si cela est nécessaire une tête dessus et dote la tige d’un filetage, afin que le client puisse monter par la suite le piston dessus.
Cette division abrite un tour présentant une portée de 8 m. Ceci pour dire qu’ici non plus, de grandes pièces ne posent pas de problème.
Révision de moteurs
La division la plus ancienne chez D’Haene est celle où les moteurs sont révisés. Et nous parlons de modèles d’avant-guerre; principalement pour des voitures, mais aussi pour des bateaux. La demande de réparations de paliers pour des tracteurs se répand aussi de plus en plus. Cette division de l’entreprise prospère. Cinq personnes y travaillent, mais elles pourraient clairement être plus nombreuses. Seulement, on ne trouve pas le personnel pour cela, ce qui n’est pas complètement illogique, vu qu’il s’agit d’une branche très spécifique.
“A cette époque, les paliers étaient coulés en métal blanc et finis via une technique proche du coulage et du forgeage. Aujourd’hui, les paliers sont produits d’une toute autre manière. De ce fait, les techniques nécessaires pour réparer ces anciens paliers ne sont plus enseignées. Dans notre pays, de plus en plus d’entreprises de révision ferment parce que le gérant prend sa retraite et que personne n’est en mesure de reprendre l’activité. Une belle opportunité, si vous parvenez à résoudre le problème de personnel”, souligne le responsable de l’entreprise.
Pas encore d’alternative pour le chrome 6
Il y a quelques années, il était question pour la première fois que l’Europe interdise l’utilisation de chrome 6, car cancérogène. D’Haene a tout de même eu un peu peur, vu l’importance du chromage pour le marché de la réparation et l’entreprise. Ils ont alors cherché une alternative et sont tombés sur le placage au laser, une technique consistant à appliquer via une buse une couche de poudre sur une surface de pièce existante. Cette couche est fondue en utilisant un laser. Il y a donc réellement une liaison métallique.
Les possibilités sont légion car on peut par exemple jouer avec la composition du revêtement. Chez D’Haene, ils ont pourtant décidé de vendre la machine, en partie par manque de place mais aussi parce qu’au final, les applications étaient trop différentes. Erwin Deceuninck: “Lors du placage au laser, l’usure peut être bien plus importante. Il s’agit de couches de revêtement de quelques millimètres, au lieu de micromètres comme lors du chromage. Le placage au laser implique aussi bien plus de paramètres et la finition est particulièrement compliquée et onéreuse, en raison de la dureté des couches de revêtement. Le carbure de tungstène est par exemple quasiment impossible à post-usiner. Pour les joints, le chromage est donc bien plus recommandé que le placage au laser, vu le résultat final lisse.” Quelques années ont entre-temps passé et le chrome 6 peut toujours être utilisé dans des circonstances spécifiques. Il faut certes avoir l’autorisation, mais le fournisseur s’en charge.
Par rapport à avant, on contrôle toutefois plus rigoureusement et plus souvent si la qualité de l’air et l’extraction sont bonnes, si tout le matériel de protection légal est disponible, etc. En soi, ce n’est pas un problème pour Deceuninck. “Cela est, en effet, bénéfique pour la santé des travailleurs et l’entreprise a toujours été complètement en règle. Nous devons seulement dire qu’il n’y a toujours pas, sur le plan du rapport qualité/prix, d’alternative digne de ce nom au chrome 6. Le placage au laser n’en est pas une non plus“, déclare-t-il.