- 02 juin 2021
- En Florus Tack
- | Source: Sanilec
"Tout le monde ne peut pas installer une pompe à chaleur"
La transition énergétique en cours, l'essor de la numérisation, l'évolution des modèles économiques, etc.: il va sans dire que le monde du CVC est confronté à toute une série de défis. Et les fabricants cherchent comment s'en sortir. Yves Vanpoucke, directeur commercial du fabricant de chauffage Remeha, nous éclaire sur le présent et l'avenir de notre secteur.
QUI EST YVES VANPOUCKE ?
- Ingénieur
- 52 ans
- Actif depuis plus de 25 ans dans différents domaines du secteur CVC national et international, au sein d'entreprises telles que Van Marcke, Enertech Group, FläktGroup Belgium et ENGIE Axima
- Directeur commercial de Remeha depuis octobre 2020, avec pour objectif de réorienter le fabricant de chauffage et de rechercher des solutions pour la transition énergétique.
Du produit à la solution globale
Dans le cadre de ses différentes fonctions, Vanpoucke a assisté à de nombreuses évolutions. Aujourd'hui, il s'agit surtout de l'évolution vers des solutions de système. "Avant, nous produisions un produit. Nous le livrions en espérant qu'il serait bien vendu et correctement installé. Aujourd'hui, ce produit s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste. Le chauffage ne se limite plus au simple fait d'allumer ou d'éteindre un radiateur. On parle plutôt d'une solution de confort total. Et elle comprend non seulement le chauffage et le refroidissement, mais aussi l'eau chaude et la ventilation. En tant que fabricant, vous devez vous adapter à cette situation."
De quelles technologies devrait se composer cette solution globale? "Il n'existe pas de solution idéale", affirme Vanpoucke. "Il s'agira toujours d'une combinaison de solutions, en fonction de la situation spécifique. Je pense par exemple à la capacité financière des clients. Nous pouvons tous rêver de belles solutions renouvelables, mais il faut que cela reste socialement justifié."
"Aujourd'hui, tout ce qui est fossile est considéré comme un peu 'sale', et tout ce qui est électrique est considéré comme bon. Ce balancier est allé trop loin, justement parce que j'estime qu'il n'existe pas une solution unique. Les solutions hybrides, par exemple, peuvent déjà contribuer à la transition énergétique. Mais celui qui remplace sa vieille chaudière au mazout par une chaudière à condensation au gaz fait aussi sa part pour la transition énergétique. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout le monde installe une pompe à chaleur et des panneaux solaires.
Celui qui remplace sa vieille chaudière au mazout par une chaudière à condensation au gaz fait aussi sa part pour la transition énergétique
Quatre quadrants
Selon Vanpoucke, le marché du chauffage, de la ventilation et de la climatisation peut facilement être divisé en quatre 'quadrants'. "Premièrement, la différence entre construction neuve et rénovation, deuxièmement, la différence entre résidentiel et commercial. Et au sein de ces quadrants, on a besoin de solutions différentes. En ce qui concerne le premier point, on peut déjà constater une bonne évolution dans la construction neuve: presque chaque nouvelle maison a un niveau E qui est déjà inférieur à ce qui est prévu. Il faut rendre à César ce qui appartient à César: le gouvernement a fait du bon travail dans ce domaine."
SERVICE
L'évolution vers des solutions globales signifie que l'on accorde plus d'attention non seulement aux solutions proprement dites mais aussi à tout ce qui les entoure. "Le service est une priorité absolue pour moi. Je l'ai communiqué d'emblée lorsque j'ai commencé chez Remeha. Pour moi, le service consiste à décharger l'installateur, mais toujours dans le respect de sa propre individualité. Bien sûr, je ne veux pas lui enlever son travail. Il y a des installateurs qui veulent tout faire eux-mêmes, mais il y a aussi ceux qui ne sont pas intéressés par l'entretien. Nous devons fournir une solution pour tout le monde".
Maintenance prédictive
"Quoi qu'il en soit, je pense que le marché doit évoluer vers la maintenance prédictive. Le grand problème dans le monde de l'installation est que nous manquons de bras. En outre, il faut de plus en plus de compétences: aujourd'hui, un installateur doit pouvoir travailler avec le gaz, le mazout et les énergies renouvelables, il doit également être technicien frigoriste et pouvoir travailler avec des applications numériques. Parallèlement, on s'attend à ce qu'il puisse intervenir rapidement en cas de problème. Mais cela signifie que nous sommes en retard sur notre temps. Nous devons rendre nos appareils aussi intelligents que possible, afin de pouvoir prévoir quand il faut effectuer un entretien si l'on ne veut pas se retrouver sans eau chaude. C'est un monde complètement différent. En effet, cela permet de beaucoup mieux anticiper les choses, au lieu de devoir se rendre en urgence chez le client. En tant que fabricant, nous devons donc rendre nos appareils aussi intelligents que possible et impliquer l'installateur. S'il dit qu'il ne veut pas faire d'entretien, nous serons heureux de nous en charger. Mais s'il veut tout garder entre ses mains, nous devons respecter cela aussi."
LA VOIE VERS LA NEUTRALITÉ CLIMATIQUE
La transition énergétique a déjà fait couler beaucoup d'encre. Chacun a donc son avis sur ce à quoi devrait ressembler le chemin vers la neutralité climatique. "Dans tous les cas, nous devons d'abord appliquer correctement le trias energetica", précise Vanpoucke. "Ne pas consommer d'énergie est le meilleur moyen de l'économiser. L'énergie dont vous avez besoin doit être produite autant que possible à partir de sources renouvelables. Mais cela ne fonctionnera pas toujours, c'est pourquoi je pense que nous compterons encore longtemps sur le gaz comme soutien, notamment sur le marché de la rénovation."
Nous devons faire évoluer le marché vers la maintenance prédictive
"Ce que je constate également, c'est que les chaufferies centrales redeviennent plus populaires. Dans les lotissements, par exemple, où chacun peut y raccorder son système de chauffage. Dans certaines régions, il existe également un potentiel pour les réseaux de chaleur et pour l'hydrogène, s'il est disponible, ou pour la géothermie (semi-)profonde. Je vois également un avenir dans de nouveaux concepts, tels que le chauffage en tant que service. Dans ce cas, on confie l'ensemble du système à un tiers, qui se charge de tous les coûts et de l'exploitation, et vend l'énergie aux personnes connectées au système. Il existe de nombreuses possibilités."
Rôle de l'installateur
Et quel rôle jouera l'installateur dans tout cela? "Je pense que nous verrons une distinction entre les installateurs qui se concentreront principalement sur le marché résidentiel, et les (moyennes) grandes entreprises d'installation qui se spécialiseront dans les bâtiments commerciaux."
Numérisation
"Ce n'est pas évident d'avoir des compétences numériques en plus des connaissances techniques requises. Mais ça se passera bien sur le marché résidentiel, en partie grâce à l'aide des fabricants. Dans les grands projets, on sous-estime le potentiel du BIM. J'exagère un peu mais beaucoup considèrent que ce n'est rien de plus qu'un dessin en 3D. Alors que c'est bien plus que cela! Pour le chauffage, la ventilation et la climatisation, par exemple, le BIM est très utile car il permet de détecter un clash. Mais le plus gros avantage est que vous disposez d'une image numérique complète de votre installation, jusqu'à la dernière vis. Vous pouvez transmettre cette image à une société de maintenance, qui peut à son tour la relier à un système de gestion du bâtiment. De cette façon, vous pouvez à nouveau faire une maintenance prédictive parfaite."
"Le problème est que chaque partie du processus de construction considère le BIM de son point de vue mais qu'il n'y a pas de protocole pour harmoniser tous les intérêts. Pour cela, vous avez besoin d'un coordinateur qui coordonne tout et qui connaît un peu tout. La collaboration deviendra donc plus cruciale que jamais."